LA REINE MARGUERITE DE VALOIS
La reine Marguerite, étoit belle en sa jeunesse, hors qu’elle avoit les joues un peu pendantes, et le visage un peu trop long. Jamais il n’y eut une personne plus encline à la galanterie. Elle avoit d’une sorte de papier dont les marges étoient toutes pleines de trophées d’amour. C’étoit le papier dont elle se servoit pour ses billets doux. Elle parloit phébus selon la mode de ce temps-là, mais elle avoit beaucoup d’esprit. On a une pièce d’elle, qu’elle a intitulée : la Ruelle mal assortie, où l’on peut voir quel étoit son style de galanterie.
Elle portoit un grand vertugadin, qui avoit des pochettes tout autour, en chacune desquelles elle mettoit une boîte où étoit le cœur d’un de ses amants trépassés ; car elle étoit soigneuse, à mesure qu’ils mouroient, d’en faire embaumer le cœur. Ce vertugadin se pendoit tous les soirs à un crochet qui fermoit à cadenas, derrière le dossier de son lit.
On dit qu’un jour M. de Turenne, depuis M. de Bouillon, étant ivre, lui dégobilla sur la gorge en la voulant jeter sur un lit.
Elle devint horriblement grosse, et avec cela elle faisoit faire ses carrures et ses corps de jupes beaucoup plus larges qu’il ne le falloit, et ses manches à proportion. Elle avoit un moule (1) un demi-pied plus haut que les autres, et étoit coiffée de cheveux blonds, d’un blond de filasse blanchie sur l’herbe.
[(1) Forme de bonnets dans le genre des hennins.]
Elle avoit été chauve de bonne heure ; pour cela elle avoit de grands valets de pieds que l’on tondoit de temps en temps.
Elle avoit toujours de ces cheveux-là dans sa poche, de