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MADAME DE LANGEY

femme avoit lâché quelques paroles qui donnoient lieu de soupçonner qu’il étoit impuissant. Avec cela, il étoit horriblement jaloux ; car ces sortes de gens-là savent bien que leurs femmes ne sauroient trouver pires qu’eux. Il la vouloit jeter dans la dévotion ; il lui lisoit et lui faisoit lire sans cesse la Sainte Ecriture.

En un voyage que Langey fit ensuite à la campagne chez le bonhomme Magdelaine, ancien conseiller huguenot, on fit avouer à sa femme qu’il n’avoit point consommé, et on prit ses mesures pour la faire venir à Paris sans lui.

Pour cela, sous prétexte qu’il n’étoit pas trop bien avec le bonhomme, et que pourtant ses affaires requéroient qu’il vînt à Paris, madame Le Cocq lui proposa d’y envoyer sa femme ; il y consentit. Elle parut bien dissimulée en cette rencontre ; car après avoir bien fait des façons pour le quitter, comme elle étoit déjà en carrosse, elle remonte, va encore l’embrasser, et lui dire qu’elle ne pouvoit se résoudre à le laisser, etc. Depuis, jusqu’au jour où il reçut l’exploit, elle lui écrivit les lettres les plus tendres du monde, et ici sa tante la mena au Cours et aux noces. Peut-être eût-on mieux fait de ne point faire tout cela. L’exploit le surprit, comme vous pouvez le penser ; il vient à Paris, demande à la voir ; on le lui refuse. Il y envoie M. du Mans (Lavardin), son parent, qui dit tout ce qu’il y avoit à dire là-dessus, et offrit le congrès en particulier, mais en vain ; le ministre Gasches offre la même chose, on passe outre.

M. Magdelaine, qui n’est habile homme que par routine, ne daigne pas s’informer comment il falloit agir ; il se fie à ce que sa petite-fille lui dit que Langey n’est point son mari, et il oublie d’exposer dans la requête qu’en quatre ans que cet homme a été avec elle, il n’a eu que trop de temps pour la mettre en état, soit avec les doigts, ou autrement, de ne passer plus pour fille. Après, elle offre de se laisser visiter, et on fit pour elle un factum si sale que depuis on a trouve à propos de le désavouer.