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aussi, mais n’est pas si bien. Jodelet parle du nez, pour avoir été mal pansé de la v.., et cela lui donne de la grâce. Gros-Guillaume autrefois ne disoit quasi rien ; mais il disoit les choses si naïvement, et avoit une figure si plaisante qu’on ne pouvoit s’empêcher de rire en la voyant ; peut-être s’il fût venu du temps de Trivelin, de Scaramouche et de Briguelle, qu’il n’auroit pas tant fait rire les gens.

Il faut finir par la Béjard. Je ne l’ai jamais vue jouer ; mais on dit que c’est la meilleure actrice de toutes. Elle est dans une troupe de campagne ; elle a joué à Paris, mais ç’a été dans une troisième troupe, qui n’y fut que quelque temps. Son chef- d’œuvre, c’étoit le personnage d’Epicharis, à qui Néron venoit de faire donner la question.

Un garçon, nommé Molière, quitta les bancs de la Sorbonne pour la suivre ; il en fut long-temps amoureux, donnoit des avis à la troupe, et enfin s’en mit et l’épousa. Il fait des pièces où il y a de l’esprit ; ce n’est pas un merveilleux acteur, si ce n’est pour le ridicule. Il n’y a que sa troupe qui joue ses pièces ; elles sont comiques. Il y a dans une autre troupe un nommé Filandre qui a aussi de la réputation ; mais il ne me semble pas naturel. La Bellerose est la meilleure comédienne de Paris ; mais elle est si grosse que c’est une tour. La Beauchâteau est aussi bonne comédienne ; elle ne manque jamais, et fait bien certaines choses.

Le théâtre du Marais n’a pas un seul bon acteur, ni une seule bonne actrice.

Il y a à cette heure une incommodité épouvantable à la comédie, c’est que les doux côtés du théâtre sont tout pleins de jeunes gens assis sur des chaises de paille ; cela vient de ce qu’ils ne veulent pas aller au parterre, quoiqu’il y ait souvent des soldats à la porte, et que les pages ni les laquais ne portent plus d’épées. Les loges sont fort chères, et il y faut songer de bonne heure. Pour un écu, ou pour