mademoiselle Louise. Patru, qui étoit son ami, quoique beaucoup plus jeune qu’elle. dit que c’étoit une fort aimable personne. Montauron étoit laid et impertinent ; cependant comme elle ne voyoit que lui, et qu’on ne la mariât point, elle l’aima faute d’autre. Patru, à qui elle conta toute son histoire depuis, lui disoit : « Mais, ma chère, c’est donc pour faire dire vrai à Chéva que tu as aimé cet homme ? —Ce sera ce que tu voudras, disoit- elle en rougissant. La voilà grosse : elle accouche ; Montauron reçoit l’enfant par une fenêtre, et l’emporte à Paris ; il avoit un cheval de louage. Il a dit depuis que quand il fut question de le donner à une nourrice, il n’avoit que deux écus. Pensez qu’il on trouva à emprunter quelque part. elle accoucha encore deux fois. La seconde fois elle fut découverte par une servante. La mère croyoit qu’elle étoit hydropique, et le père étoit un méditatif, qui ne voyoit pas ce qu’il voyoit. L’ayant su, il alla trouver sa fille le troisième jour, qu’elle étoit fort mal. Elle se voulut jeter à ses pieds, il la retint et lui dit : « Traitez bien cette servante toute votre vie, car elle vous peut perdre, et n’y retournez plus. » Elle n’y retourna effectivement qu’après sa mort ; mais c’est qu’il mourut bientôt. Des trois enfants qu’elle eut, il n’y eut que l’aîné qui vécut ; c’étoit une fille.
Montauron, ses amours étant découvertes, ne demeura plus à Pommeuse, et il se mit au régiment des gardes ; après il se fit commis, puis il eut quelque intérêt dans la recette de Guienne. Il avoit promis à mademoiselle Louise de l’épouser ; il ne s’en tourmentoit pas autrement, disoit pour excuse que cela nuiroit à ses affaires. Il y avoit deux ans qu’elle n’en avoit eu aucune nouvelle, quand elle mourut de dépit de se voir ainsi trahie, et de ce que la femme de son frère de Pommeuse lui reprochoit quelquefois sa petite vie. S’étant bien mis avec feu M. d’Espernon, Montauron acheta la charge de receveur général de Guienne ; il se fourra tout de bon dans les affaires.