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bien valoir huit mille écus ; mais comme après il en prétendit des choses qu’elle ne lui vouloit pas accorder, un beau matin, car elle n’est pas intéressée, elle lui rendit sa donation.

De retour, elle se met dans la tête de ne s’abandonner absolument qu’à ceux qui lui donneroient dans la vue ; elle alloit au devant, le leur disoit, ou le leur écrivoit. Elle eut Sévigny, tout marié qu’il étoit, trois mois ou environ, sans qu’il lui en ait rien coûté qu’une bague de peu de valeur. Quand elle en fut lasse, elle le lui dit, et mit Rambouillet en sa place, pour trois autres mois. Elle lui écrivit en badinant : « Je crois que je t’aimerai trois mois ; c’est l’infini pour moi. » Charleval, y ayant trouvé ce jouvenceau, s’approcha de l’oreille de la belle et lui dit : « Ma chère, voilà ce qui a bien la mine d’être un de vos caprices. » Depuis on appelle ses passants, ses caprices, et elle disoit, par exemple : « J’en suis à mon vingtième caprice » pour dire à mon vingtième galant. Durant sa passion, personne ne la voyoit que celui-là ; il alloit bien d’autres gens chez elle, mais ce n’étoit que pour la conversation et quelquefois pour souper, car elle avoit un ordinaire assez raisonnable. Sa maison étoit passablement meublée, et elle avoit toujours une chaise fort propre.

Vassé succéda à Rambouillet. Elle reçut de celui-là, parce qu’il étoit fort riche : il ne laissa pas de payer encore quand son temps fut fait ; mais, comme Coulon et Aubijoux, il ne lui touchoit que quand la fantaisie en prenoit à Ninon.

Fourreau, gros gars, fils de madame Larcher, qui n’a qu’un talent, c’est de se connoître admirablement bien en viande, étoit comme son banquier ; elle tiroit sur lui des lettres de change : M. Fourreau paiera, etc. On croit qu’il n’en a quasi rien eu. Elle disoit qu’elle lui avoit vu un javart, tant elle le traitoit de cheval.

Charleval, un M. d’Elbène et Miossens ont fort contribué