« Pardieu, monsieur de Souscarrière, vous êtes bien fait, vous avez de l’esprit, vous avez du cœur, vous êtes adroit et heureux ; il ne vous manque que de la naissance ; promettez- moi dix mille écus, et je vous fais reconnoître par M. de Bellegarde pour son fils naturel. Il a besoin d argent ; vous lui en pouvez prêter. Voici le grand jubilé : votre mère jouera bien son personnage ; elle ira lui déclarer que vous êtes à lui et point au pâtissier ; qu’en conscience elle ne peut souffrir que vous ayez le bien d’un homme qui n’est point votre père. » Souscarrière s’y accorde. La pâtissière fit sa harangue ; M. de Bellegarde toucha son argent, et La Lande pareillement. Voilà Souscarrière en un matin, devenu le chevalier de Bellegarde.
Souscarrière enleva la fille d’un nommé Rogers, écuyer in ogni modo, à ce qu’on dit, de feu M. de Lorraine. L’affaire s’accommoda, et on disoit qu’il eût eu beaucoup de bien, sans le désordre qui arriva. Cette femme se laissa cajoler par Villandry, cadet de celui que Miossens tua. Il en découvrit quelque chose. On dit qu’il la menaça du poignard et qu’il fit semblant de la vouloir jeter dans le canal de Souscarrière (c’est vers Gros-Bois). Enfin, il eut avis qu’elle avoit donné un bracelet de cheveux à Villandry, et qu’il y avoit eu des rendez-vous. Notre homme en colère, et sans considérer qu’il avoit jusque-là donné assez mauvais exemple sur la fidélité à sa femme, rencontre Villandry aux Minimes de la place Royale, à la messe, où il lui donna un soufflet, et mit l’épée à la main dans l’église. Villandry l’appela, et, craignant un peu son adresse, se battit à cheval contre lui, dans la place Royale même ; mais il ne laissa pas d’être battu.
Montbrun (il s’appela ainsi depuis qu’il fut marié), après le combat, tint sa femme un an et demi dans une religion, à la campagne ; puis il lui manda qu’elle pouvoit aller où il plairoit, mais qu’il ne la tiendroit jamais pour sa femme. Elle se retira en Lorraine. On se moqua fort de Montbrun