homme de quelque âge, la ramenoit chez elle, elle étoit à la portière, et lui au fond, il la prit par la tête, elle qui avoit plus de soixante-dix ans, et la baisa tout son soûl en lui disant sérieusement qu’il l’aimoit plus que sa vie. Elle en fut si surprise qu’elle ne songeoit seulement à se dépêtrer de ses mains ; et elle arriva à sa porte, car il n’y avoit pas loin, avant que d’avoir eu le loisir de lui rien dire. Elle ne l’a jamais voulu nommer. Un jour, comme elle étoit chez la Reine, madame de Guémené dit à Sa Majesté, : « Madame, faites conter à madame Pilou l’aventure du conseiller d’état. — Ne voilà-t-il pas, dit la bonne femme, vous regorgez d’amants, vous autres, et dès que j’en ai un pauvre misérable, vous en enragez. » À propos d’amants : elle dit qu’elle a fait bâtir un hôpital pour mettre ceux à qui les femmes arracheront les yeux pour leur avoir parlé d’amour ; mais il n’y a que des araignées dans ce pauvre hôpital. Au diable l’aveugle qu’on y a encore mené.
L’abbé de Lenoncourt, le marquis présentement, se mit un jour à la railler fort sottement « Monsieur, lui dit-elle, avez- vous été condamné par arrêt du parlement à faire le plaisant ? Car, à moins que de cela, vous vous en passeriez fort bien. »
Une fois, madame de Chaulnes, la mère, lui dit quelque chose qui ne lui plut pas. « Si vous ne me traitez comme vous devez, lui dit-elle, je ne mettrai jamais le pied céans. Je n’ai que faire de vous ni de personne ; Robert Pilou et moi avons plus de bien qu’il ne nous en faut. à cause que vous êtes duchesse, et que je ne suis que fille et femme de procureur, vous pensez me maltraiter ! Adieu, Madame, j’ai ma maison dans la rue Saint-Antoine qui ne doit rien à personne. » Le lendemain, madame de Chaulnes lui écrivit une belle grande lettre, et lui demanda pardon.
Quand M. de Chavigny alla demeurer à l’hôtel de Saint- Paul, il trouva madame Pilou quelque part, et lui dit : « Madame, à cette heure que je suis votre voisin, je prétends