homme. La lasse d’être dans un grenier, s’est mise en religion.
Elle a l’honneur d’être une des plus grandes visionnaires du monde sur le chapitre de la mort. Quand quelqu’un dit qu’il ne craint point de mourir : « Eh bien ! s’écrie-t-elle, quel mal peut-on donc vous souhaiter, si vous n’appréhendez pas le plus grand de tous les maux. —Je crains la mort plus que les autres, dit-elle, parce que personne n’a jamais si bien conçu ce que c’est que le néant. » Cependant elle est dévote, comme j’ai déjà remarqué, et fort persuadée, à ce qu’elle dit, de l’autre vie. Dans cotte appréhension, elle soutient que tous les maux sont contagieux, et dit que le rhume se gagne. Souvent j’ai vu mademoiselle de Chalais reléguée dans sa chambre parce qu’elle nasilloit, disoit la marquise, et qu’elle seroit bientôt enrhumée. Plusieurs personnes l’ont pense faire mourir de frayeur en disant, sans y songer, que leur sœur, que leur frère, que leur tante avoient quelque rougeole, ou même la fièvre continue. Comme Mademoiselle avoit la petite-vérole, feu M. de Nemours alla voir la marquise. Elle lui demanda, dès qu’elle le vit, s’il n’avoit pas été assez imprudent pour passer chez Mademoiselle. « Oui, dit-il. — Je m’en vais gager, ajouta- t- elle, que vous avez monté en haut. — Je voulois parler à quelqu’un, répond-il, mais une de ses femmes est venue au- devant de moi. » Il disoit tout cela par malice. Voilà la marquise qui fait un grand cri et le chasse. Madame de Longueville vint un peu après, qui trouva la chambre toute pleine de fumée, car on y avoit brûlé de tout ce qui peut chasser le mauvais air. Après lui en avoir fait des excuses, elle disoit à tout bout de champ : « Pour cela, Madame, ce M. de Nemours est le plus étrange homme du monde ; mais qui a jamais rien vu de pareil ? »
Quand il la faut saigner, elle fait d’abord conduire le chirurgien dans le lieu de la maison le plus éloigné de celui où elle couche. Là on lui donne un bonnet et une robe de