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moyen âge, et gardaient à l’âme un espoir sur la terre en lui laissant son issue vers le ciel. À quoi bon les règles ? et comme les barrières d’écoles sont peu de chose ! Voilà des hommes qui avaient un pied dans la renaissance et un pied dans le moyen âge, tiraillés des deux côtés, en sorte que leur œuvre ne pouvait manquer d’avorter et de se contredire. Elle n’avorte pas, et ses contradictions s’harmonisent. C’est que, dans leur cœur, les deux sentiments vivaient énergiques et sincères ; cela suffit pour bien faire : la vie produit la vie.

On entre ; le même mariage d’idées reparaît dans tous les détails. Aux deux côtés de la porte, ils ont posé debout deux admirables colonnes corinthiennes ; mais ils se sont approprié la forme grecque en revêtant le fût d’une profusion de figurines nues, d’hippogriffes, d’oiseaux, de feuilles d’acanthe qui s’entrelacent en serpentant jusqu’au sommet. — Trois pas plus loin, sont deux bénitiers charmants, deux petites colonnes ornées de raisins, de figures, de guirlandes, portant chacune au sommet une coupe de marbre blanc. L’une est antique, dit-on ; l’autre doit être du commencement du quinzième siècle. Les tètes et les torsions des figurines rappellent Albert Dürer ; les pieds et les genoux sont un peu saillants ; ce sont des femmes nues, les mains liées derrière le dos ; l’artiste, pour atteindre au mouvement vrai, ne craint pas de gâter un peu le sein. Ainsi se développe, de Nicolas de Pise à Jacopo della Quercia, toute une sculpture, art formé, déjà complet comme un enfant sain et vivant qui s’agite dans sa gaîne catholique.

Enfin, voici cette célèbre chaire de Nicolas de Fisc,