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sud de la France. Pour achever la ressemblance, on voit partout sur la route des soldats en congé ou qui rejoignent leur corps ; les gens ont l’air gai, leur conversation est vive comme chez nous. Les bourgs et les petites villes ont cet aspect provincial, un peu terne, assez propre, que nous connaissons si bien. On dirait une France arriérée, sœur cadette, qui grandit et se rapproche de son aînée. Si l’on considère ces partis qui sj combattent, d’un côté les vieux nobles et le clergé, de l’autre les bourgeois, les commerçants, tous les gens d’éducation et de profession libérale, entre les deux les paysans que la révolution tâche d’enlever à la tradition, la ressemblance devient frappante. Pour comble, on voit par leurs discours que leur modèle est la France ; ils répètent nos anciennes idées, ils ne lisent que nos livres. Les personnes un peu cultivées savent le français, presque jamais l’anglais ou l’allemand ; notre langue seule est voisine de la leur ; d’ailleurs ils ont besoin comme nous de gaieté, d’esprit, d’agrément et même de licence ; on trouve entre leurs mains non-seulement nos bons écrits, mais nos romans de second ordre, nos petits journaux, notre basse littérature. Toutes leurs grandes réformes vont dans le même sens, ils ont imité nos monnaies et nos mesures, ils organisent une Église salariée, sans biens propres, des écoles primaires, une garde nationale, et le reste.

Je sais les inconvénients de notre système, — la suppression des grandes vies supérieures, la réduction de toute ambition et de tout esprit aux idées et aux entreprises viagères, l’abolition des fiers et hauts sentiments de l’homme élevé dans le commandement, protecteur et représentant naturel de ceux qui l’entourent, la mul-