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l’effet est étonnant sur les jeunes filles, par suite sur les jeunes gens, par suite encore sur les parents et les voisins. Sans doute aussi les impôts sont plus forts ; mais chacun travaille et profile au double. On bâtit, on répare. Spolète est toute renouvelée, on établit le gaz à Pérouse, le chemin de fer d’Ancône avance ; il y a un grand élan partout. « Tous les liards travaillent ! » (Tutti i quattrini lavorano.)

Toute la bourgeoisie est passionnée dans ce sens. Sur vingt-deux mille habitants à Pérouse, il y a quatorze cents gardes nationaux, commerçants, chefs de boutique, gens bien établis et honorables. Ils font patrouille avec les soldats, s’exercent, prennent de la peine et sont contents de prendre de la peine, « J’ai fait des sacrifices à mon pays, disait mon négociant, et je suis prêt à en faire encore. » Plus de rivalités provinciales ou municipales. Florence a renvoyé à Pise, en signe de fraternité, les chaînes de son port que jadis elle lui avait prises. J’indique un officier qui passe, et je demande si ce n’est pas là un Piémontais. — « Plus de Piémontais, nous sommes tous mêlés dans l’armée ; il n’y a plus que des Italiens. »

Ils ont la confiance et les illusions de 89. Sur cette remarque que l’armée italienne n’a pas encore fait ses preuves : « Nous avons combattu à Milan, en 1848 ; la ville, à elle seule, en trois jours, a chassé les Autrichiens. Nous avons combattu aussi à Pérouse contre les Suisses, qui massacraient les femmes et les enfants ; j’étais à cheval alors. Il y avait une forteresse contre la ville : regardez, voici ce qui en reste, nous en faisons un musée. Non, non, nous ne craignons pas les Autrichiens. Nous avions soixante-dix mille volontaires contre