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s’en va vite, rien de plus désagréable après la dévotion vraie que la dévotion factice.



6 avril.


Quantités de conversations tous ces jours-ci avec des gens de toute classe et de toute opinion ; mais les libéraux dominent.

Les diplomates, dit-on, sont mal disposés pour l’unité de l’Italie ; ils ne la croient pas solide. Selon les deux hommes d’esprit avec qui j’ai voyagé, l’un officier, l’autre attaché d’ambassade, le trait capital des Italiens, c’est le manque de caractère et la plénitude de l’intelligence, tout au rebours de l’Espagnol, tête dure et bornée, mais qui sait vouloir. On dispute sur le nombre des volontaires de Garibaldi en 1859 ; les uns le portent à deux mille cinq cents, les autres à sept mille : en tout cas il est ridiculement petit. L’empereur Napoléon avait amené la légion étrangère presque vide, avec de simples cadres ; personne ne s’est présenté pour les remplir, il semble très-dur à l’Italien de quitter sa maîtresse ou sa femme, de s’enrôler, de subir une discipline ; l’esprit militaire est éteint dans ce pays depuis trop longtemps. Selon mon officier, qui assistait à la dernière campagne, Milan n’a fourni en tout que quatre-vingts volontaires, et les paysans étaient plutôt pour les Autrichiens. Pour les gens de la classe moyenne ou noble, ils faisaient de grandes acclamations, des discours ; mais leur enthousiasme s’évaporait en phrases, et ils n’en avaient plus pour risquer leur peau. La générosité, la passion vraie, le patriotisme emporté ne se rencontraient que chez les