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« Et voici qu’une lueur subite parcourut la grande forêt dans toutes ses parties, si brillante que je doutai si ce n’était pas un éclair… Et une douce mélodie courut dans l’air lumineux.

« Tandis qu’à travers ces prémices de l’éternel plaisir je m’en allais tout interdit et désireux encore de plus d’allégresse,

« Devant nous, l’air, pareil à un grand feu, se montra tout embrasé sous les verts rameaux, et le doux son que nous avions déjà entendu devint un chant clair et distinct ;

« Sept candélabres d’or flamboyaient au-dessus d’eux-mêmes, plus clairs par un ciel serein que la lune à minuit et au milieu de son mois ;

« Et derrière ces candélabres je vis venir des personnages vêtus de blanc. Jamais telle blancheur n’a brillé ici-bas. »


Tout se tient ici ; l’ami de Dante, Giotto, a peint dans la seconde église des visions semblables. Ce sont ses élèves et ses successeurs, tous imbus de son style, qui ont tapissé de leurs œuvres les autres parois de l’édifice. Il n’y a point de monument chrétien où les pures idées du moyen âge arrivent à l’esprit sous tant de formes, et s’expliquent les unes les autres par tant de chefs-d’œuvre contemporains. Au-dessus de l’autel gardé par une grille ouvragée de fer et de bronze, Giotto a couvert la votjte surbaissée de grands personnages calmes et d’allégories mystiques. C’est saint François recevant des mains du Christ la Pauvreté comme épouse ; c’est la Chasteté assiégée en vain dans une forteresse à créneaux, et honorée par les anges ; c’est l’Obéissance, sous un dais, entourée de saints et d’anges agenouillés ; c’est saint François glorifié, en habit doré de diacre, entouré de vertus célestes, de séraphins qui chantent. Ce Giotto, qui, au delà des monts, ne nous semble qu’un maladroit et un barbare, est déjà un peintre complet ; il fait des groupes, il sait les airs de tête : ce