Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éclatantes, immaculées, se confondent avec le satin des nuages.

Quantité de carrioles et de paysans qui chantent. C’est un grand signe de bien-être que ces petites voitures ; elles annoncent une classe d’hommes élevée au-dessus du travail accablant et du grossier besoin. Les madones sont nombreuses, et promettent pour trois Ave quarante jours d’indulgence. C’est la religion de l’Italie. Du reste, les villages ressemblent aux nôtres et indiquent à peu près le même degré de culture. C’est dimanche, les habitants ont de gros souliers et des habits passables ; point de guenilles. Ils sont fort gais, causent et rient sur la place ; quelques-uns jouent aux boules, d’autres au disque, d’autres à la morra. Les auberges et les maisons ne sont pas plus sales ni plus dégarnies qu’en France. De lourdes solives soutiennent le plafond ; il y a des chaises, des tables, des buffets en bois luisant, un dressoir à bouteilles muni de deux madones. Dans la salle d’entrée, deux tonneaux énormes, cerclés de planches massives, sont en permanence, et je vérifie que le vin n’est pas cher. Des quartiers de viande sont pendus à des crochets de fer. Dans un pays fertile qui consomme ses produits, le bien-être est naturel. L’auberge s’emplit, et la fille de la maison arrive avec sa mère, en habits voyants, un voile noir sur la tête, un beau sourire aux lèvres. Gaieté brillante et coquette de la fille ; les jeunes gens commencent à tourner près d’elle avec cette complaisance tendre et cet air ravi, voluptueux, qui est propre aux Italiens.

Au sommet d’une éminence abrupte, sur un double rang d’arcades superposées, apparaît le monastère ; à ses pieds, un torrent écorche le sol et tournoie au loin