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soir, et, pour trompette de cette trivialité brutale, de cette énergie effrénée, un âne qui brait de tout son gosier.

Guerchin. — Sa charmante Madeleine, nue jusqu’à la ceinture, a la plus gracieuse attitude, les plus beaux cheveux, les plus beaux seins, le plus doux sourire imperceptible de mélancolie tendre et rêveuse. C’est la plus touchante et la plus aimable des amoureuses, et la voilà qui regarde une couronne d’épines ! Comme ils sont loin de l’énergie et de la simplicité du siècle précédent ! Les pastorales, les sigisbées, la dévotion affadissante ont commencé leur règne ; cette Madeleine est parente d’Herminie, de Sophronie, des doucereuses héroïnes du Tasse ; elle est née comme elles de la restauration jésuitique.

Léonard de Vinci. — Une Vierge avec son enfant d’une finesse extraordinaire ; ses yeux sont baissés, ses lèvres se plissent faiblement avec un étrange et mystérieux sourire ; la figure est tourmentée par la délicatesse de l’âme, parle raffinement de la supériorité intellectuelle, et derrière la tête un lis blanc s’épanouit. Cet homme est tout moderne, à une distance infinie de son siècle ; par lui la renaissance touche sans intervalle à notre temps. Il était déjà savant, expérimentateur, chercheur et sceptique, avec une grâce de femme et des dégoûts d’homme de génie.

Plusieurs tableaux du Parmesan de la plus exquise distinction, des têtes fines et longues, entre autres une jeune fille pudique, candide, qui regarde d’un air étonné. — Un grand portrait de sa main représente un seigneur du temps, lettré, connaisseur et militaire ; il porte une sorte de béret rouge, et sa cuirasse est dans