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tes coloriées, dans des rangs de cages suspendues, et vous sentirez la différence qui sépare la vie gymnastique, naturelle, du corps athlétique et la vie artificielle, compliquée, de l’habit noir. — Même impression dans l’amphithéâtre, grandiose et ouvert au soleil ; mais ici est la tache du monde ancien, la sanglante empreinte romaine. Même impression dans les bains : sur la corniche rouge du frigidarium, de petits amours d’une légèreté charmante bondissent à cheval ou conduisent des chars. Rien de plus agréable à l’œil et de mieux entendu que le séchoir avec sa voûte pleine de figurines en relief et de médaillons ornés, avec sa file d’Hercules qui, rangés contre le mur, soutiennent de leurs vigoureuses épaules tout l’entablement. Toutes ces formes vivent et sont saines, rien n’est exagéré ni surchargé. Quel contraste si l’on regarde des bains modernes, leurs fades nudités postiches, leurs figures sentimentales et voluptueuses ! C’est que le bain aujourd’hui n’est qu’un nettoyage ; alors c’était un plaisir et une institution gymnastique[1]. On y employait plusieurs heures de la journée ; les muscles y devenaient souples et la peau brillante ; l’homme y savourait la volupté animale qui pénètre la chair, tour à tour resserrée, puis amollie. Il ne vivait pas seulement de la tête comme aujourd’hui, mais de tout le corps.

On redescend et l’on sort de la ville par la voie des Tombeaux : ces tombeaux sont presque entiers ; rien de plus noble que leurs formes, rien de plus sérieux sans être lugubre. La mort n’était point troublée alors par la superstition ascétique, par l’idée de l’en-

  1. Ἡ γυμναστική. Nous n’avons pas de mots pour exprimer cet art qui comprend tout ce qui a rapport à la perfection de l’animal nu.