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de l’air qui enveloppe et vivifie toutes choses, cette mer rayonnante et heureuse qui est son épouse, cette terre qui vient à leur rencontre, il fallait remonter jusqu’aux hymnes védiques, retrouver en eux, comme nos premiers parents, de vrais vivants, des vivants universels et simples, les dieux éternels et vagues que nous cessons de voir, occupés comme nous le sommes par le détail de notre petite vie, mais qui, en somme, subsistent seuls, nous portent, nous recouvrent et vivent entre eux comme autrefois, sans sentir les mouvements imperceptibles, les grattages éphémères que notre civilisation fait sur leur sein.



Plusieurs journées à Herculanum et à Pompéi.


On voit passer devant soi des milliers et encore des milliers d’objets ; tout cela au retour s’agite dans la tête : comment retirer de ce chaos quelque impression dominante, quelque vue d’ensemble ?

Ce qui subsiste d’abord, c’est l’image de la ville grise et rougeâtre, demi-ruinée et déserte, amas de pierres sur une colline de roches, avec des files de murs épais et de dalles bleuâtres, tout cela blanchâtre dans l’air éblouissant de blancheur ; à l’entour, la mer, les montagnes et la perspective infinie.

Au sommet sont les temples, celui de la Justice, de Vénus, d’Auguste, de Mercure, l’édifice d’Eumachia, d’autres temples encore inachevés ; plus loin, et aussi sur une hauteur, celui de Neptune. Ils avaient ainsi tous leurs dieux à la cime, dans l’air pur qui était lui-même un dieu. Le forum et la curie sont à côté ; le