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Les fruits tombent par terre au pied des arbres. D’autres arbrisseaux, des plantes d’un vert pâle ou bleuâtre emplissent les massifs. Aux branches nues des pêchers, les fleurs roses commencent à s’ouvrir, mignonnes et frêles. Le pavé est une faïence bleuâtre qui luit, et la terrasse s’arrondit au-dessus de la mer, dont l’admirable azur emplit tout l’espace.

Je n’ai pas encore voulu en parler, je n’osais toucher à cette sensation, je l’avais depuis Castellamare ; mais elle était trop charmante. Le ciel est clair, d’un azur pâle, presque transparent, et la mer d’un bleu rayonnant, chaste et tendre comme une fiancée et une vierge. Cette largeur infinie d’espace, vêtue si délicieusement comme pour une fête voluptueuse et délicate, laisse une sensation qui n’a pas d’égale. Capri, Ischia au bord du ciel, sont blanches dans leur molle mousseline de vapeur, et l’azur divin luit doucement à perte de vue, encadré dans cette bordure blanche.

Quels mots trouver pour l’exprimer ? Le golfe entier semble un vase de marbre arrondi exprès pour recevoir la mer. Une fleur satinée, un large iris velouté, de doux pétales lumineux où le soleil s’étale, et qui viennent affleurer sur une bordure nacrée, voilà les idées qui se pressent dans l’esprit, et qui, vainement entassées, ne suffisent pas.

Au pied des roches, l’eau est verte comme une émeraude transparente, parfois avec des reflets de turquoise ou d’améthyste, sorte de diamant liquide qui change de teinte à tous les accidents de la profondeur ou de la roche, sorte de joyau bigarré et mouvant qui encadre l’épanouissement de la divine fleur.

Le soleil baisse, et au nord le bleu devient si profond