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d’un peuple prennent la forme de son paysage et de son climat.

Vers huit heures il n’y avait plus un souffle de vent. Le ciel semblait de lapis-lazuli ; la lune, comme une reine immaculée, luisait seule au milieu de l’azur ; son ondée tremblait sur la grande eau, et paraissait un fleuve de lait. Il n’y a pas de mot pour exprimer la grâce et la douceur des montagnes enveloppées dans leur dernière teinte, dans le vague violet de leur robe nocturne. Le môle, la forêt des barques, par leur noirceur profonde, les rendaient encore plus charmantes, et Chiaja, vers la droite, arrondissant autour du golfe sa ceinture de maisons illuminées, lui faisait une guirlande de flammes.

De toute part les fanaux brillent ; les gens, en plein air, causent haut, rient et mangent. Ce ciel à lui seul est une fête.



À travers Naples et au hasard dans les rues.


Quelles rues on traverse ! Hautes, étroites, sales, bordées à tous les étages de balcons qui surplombent, une fourmilière de petites boutiques, d’échoppes en plein vent, d’hommes et de femmes qui achètent, vendent, bavardent, gesticulent, se coudoient, la plupart rabougris et laids, les femmes surtout petites et camardes, la face jaune et les yeux brillants, malpropres et fripées, avec des châles à ramages et des fichus violets, rouges, orangés, toujours de couleur voyante, et des bijoux de cuivre. Aux environs de la piazza del Mercato s’enchevêtre un labyrinthe de ruelles dallées et tortueuses, en-