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28 mars. La campagne.


Nous partons à huit heures du matin pour Albano, et nous sortons par la place San-Giovanni. C’est la plus belle de Rome, et je te l’ai décrite ; mais je la trouve encore plus belle que la dernière fois. Lorsqu’au delà de la porte on se retourne, on a devant soi cette façade de Saint-Jean-de-Latran qui, au premier coup d’œil, semble emphatique ; à cette heure matinale, dans le grand silence, au milieu de tant de ruines et de choses champêtres, elle ne l’est plus : on la trouve aussi riche qu’imposante, et le soleil verse sur ses hautes colonnes pressées, sur son assemblée de statues, sur ses solides murs dorés, la magnificence d’une fête et l’éclat d’un triomphe.

Les haies verdissent, les ormes bourgeonnent ; de loin en loin, un pêcher, un abricotier rose luit aussi charmant qu’une robe de bal. La grande coupole du ciel est toute lumineuse. L’aqueduc de Sixte-Quint, puis l’aqueduc ruiné de Claude, allongent à gauche dans la plaine leur file d’arcades, et leurs courbes s’arrondissent avec une netteté extraordinaire dans l’air transparent. Trois plans font tout ce paysage : la plaine verte, chaudement éclairée par l’averse de rayons ardents, — la ligne immobile et grave des aqueducs, — plus loin les montagnes dans une vapeur dorée et bleuâtre. On aperçoit dans les creux, sur les hauteurs, des troupeaux de chèvres et de bœufs aux longues cornes, des toits coniques de bergers, semblables à des huttes de sauvages, quelques pâtres, les jambes enveloppées dans une peau de bique, et çà et là, à perte de vue, un reste de villa