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affaires municipales. Quelques-uns, ayant atteint une opulence énorme, achètent une terre, puis un titre ; l’un d’eux est duc. — Un noble de Rome ne peut pas se passer d’eux ; il ne connaît pas les paysans, il ne vit pas parmi eux ; s’il voulait leur louer directement, il rencontrerait une ligue. Il n’a rien de commun avec eux, il n’est point aimé d’eux ; il joue à leurs yeux le rôle de parasite. D’autre part, il est mal avec le mercante, par lequel il se sent exploité. À son tour, le mercante passe aux yeux des paysans pour une sorte d’usurier nécessaire.

Les trois classes sont séparées, il n’y a pas de gouvernement naturel. Il n’en est pas de même dans la Romagne devenue italienne, où les nobles sont campagnards ; mais, sauf deux ou trois cantons, les nobles de Rome qui voudraient vivre sur leur terre, l’exploiter eux-mêmes, prendre le gouvernement économique et moral du pays, trouvent aujourd’hui plus de difficultés que jamais. D’abord les bras manquent : les conscriptions de Victor-Emmanuel ont pris beaucoup d’Abruzzais qui venaient faire les gros travaux ; les chemins de fer romains occupent un assez grand nombre de Romains, et la campagne romaine est presque vide d’habitants. En outre les affaires sont soumises au régime du bon plaisir : la sortie des grains n’est pas libre ; il faut une permission spéciale pour toute opération ou entreprise, et vous n’obtenez de permissions que selon votre degré de faveur. Le gouvernement intervient jusque dans vos affaires privées. Par exemple, un locataire ou fermier ne vous paye pas ; vous lui accordez trois mois, au bout des trois mois trois autres, et ainsi de suite. À la fin, excédé, vous vous décidez à le mettre à la porte ;