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d’arbres qui portent des poutres posées à plat et qui font promenoir. Tout ce qu’on a bâti depuis est barbare, et d’abord les deux chapelles de Sixte-Quint et de Paul V, avec leurs peintures du Guide, du Josepin, de Cigoli, avec leurs sculptures du Bernin et leur architecture de Fontana et de Flaminio. Voilà des noms célèbres, et l’on a prodigué l’argent ; mais tandis qu’avec de petits moyens l’antique fait un grand effet, le moderne fait un petit effet avec de grands moyens. Quand on s’est rempli et ébloui les yeux par les pompeuses rondeurs de ces voûtes et de ces dômes, par les splendeurs de ces marbres multicolores, de ces frises et de ces piédestaux d’agate, de ces colonnes en jaspe oriental, de ces anges pendus par le pied, de ces reliefs de bronze et d’or, on se dépêche de sortir comme d’une boutique et d’une bonbonnière. Il semble que cette grande boîte resplendissante, dorée, ouvragée du parvis à la lanterne, ait accroché et déchiré par toutes les pointes de ses colifichets la toile délicate de l’imagination songeuse, et le svelte profil de la moindre colonne vous remue plus que cet étalage de tapissiers et d’enrichis. — Pareillement la façade, chargée de balustres, de frontons courbes et aigus, de statues juchées sur les pierres, est une devanture d’hôtel de ville. Seul, le campanile du quatorzième siècle est agréable à voir ; en ce temps-là, c’était une des tours de la ville, le signe distinctif qui la marquait dans les vieux plans si noirs et si âpres, et la gravait à jamais dans la pensée toute corporelle encore du compagnon voyageur et du moine. — Il y a des traces de tous les âges dans ces vieilles basiliques, on y voit les divers états du christianisme, d’abord engagé dans les formes païennes, puis traversant