Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mener dans un paysage de Pérelle : hautes charmilles, cyprès taillés en forme de vases, plates-bandes bordées de buis qui font des dessins, colonnades et statues. Le jardin a la régularité froide et la correction grave du siècle, celle qui, avec l’établissement des monarchies bien assises et de l’administration décente, se répandit sur tous les arts de l’Europe. L’Église à cette époque est, comme la royauté, un pouvoir incontesté, qui représente aux yeux de ses sujets avec dignité, sérieux et convenance.

Mais ces jardins ainsi entendus conviennent mieux en Italie que chez nous. Les charmilles sont en lauriers et en buis, qui durent l’hiver, et qui l’été préservent du soleil ; les chênes-verts, qui ne perdent jamais leur verdure, font en tout temps un ombrage épais ; les murailles d’arbustes vivaces arrêtent le vent. Les eaux qui jaillissent de tous côtés occupent les yeux par leur mouvement et conservent la fraîcheur des allées. Des balustrades on aperçoit toute la ville, Saint-Pierre et le Janicule, dont la ligne sinueuse ondule dans la pourpre du soir. Pour un pape et des dignitaires ecclésiastiques qui sont âgés, graves, et se promènent en robe, ces allées régulières, cette décoration monumentale, sont justement ce qui convient. Au printemps, il est doux de passer ici une heure, sous les rayons tièdes du soleil, devant la grande arcade de cristal que le ciel clair étend au-dessus des allées. On descend ensuite par de grands escaliers, ou sur des pentes adoucies, jusqu’au bassin central où cinquante jets d’eau partis des bords viennent rassembler leurs eaux bleuâtres. Tout à côté une rotonde pleine de mosaïques offre sous sa voûte l’ombre et la fraîcheur. Ces bruits, cette agitation de