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Une pareille ambition a sa grandeur et provoque des sentiments puissants. Sans doute elle n’a rien de commun avec la vie spirituelle intérieure, avec le dialogue continu de la conscience chrétienne occupée à s’examiner devant le Dieu juste : elle est tout humaine et ressemble au zèle qu’un moine avait pour son ordre, un sujet français du dix-septième siècle pour la monarchie ; mais par elle l’homme se sent compris dans un grand établissement durable qu’il préfère à lui-même, dans lequel il s’oublie, pour lequel il travaille et se dévoue. C’était la passion d’un Romain pour sa Rome ; en effet, la Rome nouvelle est à la Rome antique ce qu’une de ces églises à coupole est au Panthéon d’Agrippa, je veux dire une copie altérée, surchargée, la même au fond pourtant, sauf cette différence, que le gouvernement de la seconde Rome, étant spirituel, non temporel, va de l’âme au corps, non du corps à l’âme. Dans l’une comme dans l’autre, il s’agit de régler la vie humaine tout entière d’après un plan préconçu, au-dessous d’une autorité absolue hors de laquelle tout semble désordre et barbarie. Là où l’un employait la force, l’autre emploie habilité, les ménagements, la patience, les calculs de la diplomatie et de la politique ; mais le fond du cœur n’a pas changé, et, pour les habitudes de l’âme, rien n’est plus semblable à un sénateur romain qu’un prélat catholique.

C’est à ce point de vue qu’il faut se mettre pour comprendre les édifices ecclésiastiques de ce pays. Ils glorifient non le christianisme, mais l’Église. Ce nouveau catholicisme s’appuie sur des rapports nombreux et tous solides :

Sur l’habitude. — L’homme a l’intelligence mouton-