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pas autre chose, vous ne demandez pas en surcroît une idylle morale, une intention psychologique, comme en cherche Landseer. Tel est l’esprit dans lequel il faut considérer les tableaux du grand siècle en Italie ; l’expression commence plus tard avec les Carraches : ce qui occupe les hommes aux environs de l’an 1500, c’est l’animal humain et son accompagnement, le costume peu compliqué et lâche. Joignez-y la pompeuse superstition du temps, le besoin de saints pour les églises et de décoration pour les palais. De ces deux sentiments est sorti le reste ; encore le second n’a-t-il fourni que le motif ; toute la substance de la peinture vient du premier. Ils ont eu raison ; la douleur, la joie, la pitié, la colère, toutes les nuances des passions n’étant visibles qu’à l’œil intérieur, si je leur subordonne le corps, si les muscles et le vêtement ne sont là que pour les traduire, je traite les formes et les couleurs en simples moyens, je fais ce que je pourrais mieux faire avec un autre art, la poésie par exemple. Je commets la même faute que la musique lorsque avec une rentrée de clarinette elle prétend exprimer la ruse triomphante du jeune Horace, la même faute que la littérature lorsque avec vingt-cinq lignes de noir sur du blanc elle essaye de nous montrer la courbure d’un nez ou d’un menton. Je manque les effets pittoresques et je n’atteins qu’à demi les effets littéraires ; je ne suis qu’un demi-peintre et un demi-littérateur.

Cette idée-là revient sans cesse, par exemple, devant les madones et la Vénus d’André del Sarto, belles jeunes filles qui sont parentes, devant la Visitation de Sébastien del Piombo ; c’est la Visitation, si vous voulez, mais le vrai titre serait : une jeune femme debout à