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même lutter et courir, en tout cas pour regarder des lutteurs et des coureurs. Car Rome à cet égard n’est qu’une Athènes agrandie : le même genre de vie, les mêmes instincts, les mêmes habitudes, les mêmes plaisirs s’y perpétuent ; la seule différence est dans la proportion et dans le moment. La cité s’est enflée jusqu’à renfermer des maîtres par centaines de mille et des esclaves par millions ; mais de Xénophon à Marc-Aurèle l’éducation gymnastique et oratoire n’a point changé : ils ont toujours des goûts d’athlètes et de parleurs ; c’est dans ce sens qu’il faut travailler pour leur plaire ; c’est à des corps nus, à des dilettantes de style, à des amateurs de décoration et de conversation qu’on s’adresse. Nous n’avons plus l’idée de cette vie corporelle et païenne, oisive et spéculative ; le climat est demeuré le même, mais l’homme s’est transformé en s’habillant et en devenant chrétien.

On monte je ne sais combien d’étages, et au sommet on trouve le pavé des chambres supérieures, un marquetage de petits dés de marbre ; les genêts, les arbrisseaux s’y sont implantés et les disjoignent ; parfois au-dessous de la croûte de terre on voit reparaître un morceau intact, presque frais, de la mosaïque. On comptait ici seize cents sièges de marbre poli. Dans les thermes de Dioclétien, il y avait place pour trois mille deux cents baigneurs. Quand de cette hauteur on jette les yeux autour de soi, on voit la plaine rayée à perte de vue par les vieux aqueducs, et du côté du mont Albano, trois autres vastes ruines, des amas d’arcades noircies ou rougeâtres, crevassées, déchiquetées brique à brique, émiettées par les siècles.

On descend et l’on regarde encore : la salle de la