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À M. … À PARIS



15 janvier 1864.


Connais-tu rien de plus désagréable que les entr’actes ? On se tortille sur son fauteuil, et l’on se détire les membres en bâillant avec discrétion. On a mal aux yeux ; on regarde pour la centième fois les figures tirées des musiciens, le premier violon qui fait des grâces, la clarinette qui reprend haleine, la contrebasse patiente qui ressemble à un cheval de louage dételé après un relais. On se retourne vers les loges ; on aperçoit au-dessus des épaules décolletées une grosse tache noire, la lorgnette énorme qui semble un morceau de trompe et cache les visages ; un air malsain, épais, pèse sur la fourmilière de l’orchestre et du parterre ; dans un poudroiement de lumière crue, on démêle une multitude de têtes inquiètes et grimaçantes, des sourires faux ; la mauvaise humeur perce sous la politesse et la décence. On achète un journal, qu’on trouve stupide ; on va jusqu’à lire le libretto, qui est encore plus stupide, et on