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Il y a ici, outre les collections particulières, deux grands musées de sculptures antiques, celui du Capitole et celui du Vatican. Ils sont fort bien disposés, surtout le second ; les statues les plus précieuses sont dans des cabinets distincts, peints en rouge sombre, en sorte que les yeux ne sont point distraits, et que la statue a tout son jour. L’ornementation est grave et d’une sobriété antique ; les traditions se sont conservées ou renouvelées ici mieux qu’ailleurs ; les papes et leurs architectes ont eu de la grandeur dans le goût, même au dix-septième et au dix-huitième siècle.

Pour les deux édifices, je te renvoie encore à tes estampes ; les vieilles sont les meilleures, d’abord parce qu’elles parlent d’un sentiment plus vrai, ensuite parce qu’elles sont tristes, ou du moins sévères. Dès qu’un dessin est propre, soigné, surtout dès qu’il se rapproche des élégantes illustrations contemporaines, il représente Rome à contre-sens. Il faut compter qu’un monument, même moderne, est négligé et sale ; l’hiver l’a gercé ; la pluie l’a encroûté de taches blafardes ; les dalles de la cour ne joignent plus, plusieurs sont enfoncées ou rayées de cassures ; les statues antiques qui la bordent ont la moitié du pied amputé et des cicatrices sur le corps ; les pauvres dieux de marbre ont été grattés par le couteau d’un gamin, ou se sentent de leur long séjour dans la terre humide. Surtout l’imagination prévenue a amplifié ; il faut deux ou trois visites pour la ramener jusqu’à l’impression juste. Qui ne s’est pas émerveillé tout bas en pensant au Capitole ? Ce grand nom trouble par avance, et l’on est désappointé de trouver une place de grandeur médiocre entre trois palais qui ne sont point grands. Elle est belle cependant ;