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devant moi, il y a quinze jours, accusait les gardes nationaux d’être une coterie, les appelait traîtres, suppôts des Piémontais, disant que tout le peuple, tous les nobles, sauf quelques déserteurs, subissent un joug et s’indignent tout bas. — On me répond en me faisant lire des gazettes cléricales, vendues à Naples et dans les rues, qui répètent la même chose, seulement en termes plus forts : cela prouve que personne n’est bâillonné. — Ensuite la garnison de Naples est de six mille hommes ; est-ce assez pour comprimer une ville de cinq cent mille âmes qui voudrait se révolter ? — Quant aux moyens de gagner les paysans, ils font remarquer que le gouvernement n’a pas, comme la Convention, une masse énorme de biens nationaux à leur vendre, que depuis le premier Napoléon le régime féodal est aboli dans le royaume, et que déjà un grand nombre de paysans possèdent. Cependant on va dépecer les biens des couvents confisqués, et cette vente ralliera à la révolution beaucoup d’acheteurs ; d’ailleurs on peut compter sur le défrichement, sur les nouvelles cultures, sur le progrès de la richesse publique. Ce pays-ci est d’une fertilité merveilleuse, il y a des terres qui portent à la fois sept récoltes, racines, fourrages, raisins, oranges, noix, etc. Depuis deux ans, la culture du coton s’est propagée de toutes parts, et les bénéfices ont été énormes ; au lieu de 8 ou 10 ducats, le quintal est monté jusqu’à 32 et 40. Les paysans maintenant tirent la piastre de leur poche en allant au café ; ils payent leurs emprunts, leurs anticipations ; ils commencent à acheter la terre, c’est leur passion ; en quelques endroits, la récolte a suffi pour payer le sol. Depuis longtemps, on remarquait qu’il y a moins de brigandage et plus de travail dans les districts où la