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LA CÔTE.


qu’on embroche avec des fourches pour les jeter à bas d’un grenier ; puis les Bayonnais, se tenant serrés et portant devant eux comme un hérisson de piques, commencèrent à monter.

Alors un vaillant Basque, Antoine Chaho, et deux autres avec lui, se coulèrent, à la façon des lézards, le long du mur, en se couvrant des corps morts et glissant entre les grosses jambes des matelots de Bayonne, et ils commencèrent à travailler du couteau dans leurs jarrets ; de sorte que les Bayonnais, étant serrés dans l’escalier et embarrassés des hommes et des piques qui tombaient en travers, ne purent plus avancer ni jouer si juste de leurs broches. À ce moment, Jean Amacho et quelques jeunes Basques sautèrent de plus de vingt pieds, ayant épié le moment, jusqu’au milieu de la salle, à un endroit où il n’y avait point de hallebardes prêtes, et commencèrent, avec une grande promptitude, à couper des gorges, puis, s’étant jetés à genoux, à découdre des ventres ; et ils tuaient bien plus qu’ils n’étaient tués, parce qu’ils avaient, les mains lestes, et que plusieurs s’étaient fourrés de grosse laine et de chemises de cuir, et que les manches de leurs couteaux, étant garnis de cordes, ne leur glissaient point. En outre, les Basques d’en haut, étant maintenant plus de cent, roulèrent en bas de l’escalier comme une dégringolée de chèvres ; d’autres arrivaient à chaque minute ; et par tous les coins de la salle, homme contre homme, ils commencèrent à s’enferrer.