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BAGNÈRES ET LUCHON.

du roi saint Louis ; il alla en croisade dans la terre d’Egypte, et tua beaucoup de Sarrasins pour le salut de son âme. Mais à la fin les Français furent défaits dans une grande bataille, et Bos de Bénac laissé pour mort. On l’emmena prisonnier le long du fleuve, du côté du soleil, dans un pays où la peau des hommes était toute brûlée par la chaleur, et il y fut dix ans. On le fit pâtre de troupeaux, et on le battait souvent, parce qu’il était Franc et chrétien.

Un jour qu’il s’affligeait et se lamentait dans un lieu désert, il vit paraître auprès de lui un petit homme noir, qui avait deux cornes au front, un pied de chèvre, et l’air plus méchant que les plus méchants Sarrasins. Bos était si accoutumé à voir des hommes noirs qu’il ne fit pas le signe de croix. C’était le diable, qui lui dit en ricanant : « Bos, à quoi t’a servi de combattre pour ton Dieu ? Il te laisse le valet de mes valets de Nubie ; les chiens de ton château sont mieux traités que toi. On te croit mort, et demain ta femme se marie. Va donc traire tes brebis, bon chevalier. »

Bos poussa un grand cri et pleura, car il aimait sa femme ; le diable feignit d’avoir compassion de lui, et lui dit : « Je ne suis pas si méchant que le disent tes prêtres. Tu t’es bien battu ; j’aime les gens braves ; je ferai pour toi plus que le crucifié, ton ami. Cette nuit tu seras dans ton beau pays de Bigorre. Donne-moi en échange un plat de noix de ta table. Eh bien, te voilà embarrassé comme un