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CORRESPONDANCE

À F. NIETZSCHE[1]


Menthon-Saint-Bernard, 17 octobre 1886


Monsieur,

Au retour d’un voyage, j’ai trouvé le livre[2] que vous aviez bien voulu m’adresser ; comme vous le dites, il est plein de « pensées de derrière ». La forme si vive, si littéraire, le style passionné, le tour souvent paradoxal ouvriront les yeux du lecteur qui voudra comprendre ; je recommanderais particulièrement aux philosophes votre premier morceau sur les philosophes et sur la philosophie (p. 14, 17, 20, 25) ; mais les historiens et les critiques feront aussi leur butin de quantité d’idées neuves (par exemple 41, 75, 149, 150) ; ce que vous dites des caractères et des génies nationaux dans votre huitième Essai est infiniment suggestif, et je relirai ce morceau, quoiqu’il s’y trouve un mot beaucoup trop flatteur sur mon compte[3].

Vous me faites un grand honneur dans votre lettre en me mettant à côté de M. Burckhardt de Bâle que j’admire infiniment ; je crois avoir été le premier en France à

  1. Friedrich Nietzsche, né à Rœcken, près Luetzen, le 15 octobre 1844 ; frappé de paralysie générale vers la fin de 1888, il acheva de mourir le 25 août 1900 à Weimar. — Sa correspondance avec M. Taine a été publiée dans le tone III de ses Gesammelte Briefe. p. 197 et suiv. (Berlin et Leipzig. 1904.)
  2. Jenseits von Gut und Böse, Leipzig, 1886.
  3. P. 917 : « Taine's — das heisst des ersten lebenden Historikers… »