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CORRESPONDANCE

tranquillement en Savoie assis à sa table de travail, et qu’on le nommerait en son absence. Il n’était pas de ceux « qui trouvent la vie insupportable faute de l’habit vert », et pensait « que c’était bien assez d’avoir fait une fois déjà le voyage et la corvée ». « Je donnerais toutes les satisfactions d’amour-propre pour avoir une idée de plus, ou pour bien prouver une idée que j’ai », écrivait-il à Alexandre Dumas. Cette fois enfin, l’événement devait donner raison à ses amis ; il fut élu le 14 novembre 1878, au premier tour, par vingt voix sur vingt-six votants, son seul concurrent, Édouard Fournier, s’excusant fort de se présenter contre lui et ne le faisant que pour prendre rang (il eut quatre voix). Il y eut un bulletin blanc, et un bulletin nul portant le nom de Leconte de Lisle qui ne se présentait pas : on sut plus tard que ce bulletin nul était celui de Victor Hugo qui, par une tempête, avait traversé la mer pour le déposer !

Dans la suite M. Taine jouit beaucoup de son milieu académique ; il était assidu aux séances hebdomadaires, qu’il comparait volontiers à un club supérieur de gens intelligents et bien élevés. Sur le moment, il fut surtout sensible à l’affection que ses amis lui avaient témoignée, et à la joie des siens. « Si j’ai désiré réussir, disait-il, c’est principalement à cause du plaisir que cela devait faire à deux personnes : ma mère et mon beau-père. » À dix-huit mois de là, il devait voir coup sur coup disparaître précisément les deux personnes qui s’étaient tant réjouies de son élection.