Page:Taine - Notes sur Paris, 1893.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lecture et qu’il avait eu l’éducation classique, il pouvait et savait écrire à peu près comme tout le monde. D’ordinaire, il se tenait debout, le dos contre sa cheminée, et laissait tomber ses phrases une à une, sans la moindre inflexion de voix ; ces phrases elles-mêmes n’étaient que des statements of facts, fort ternes et fort précis ; au premier moment, elles ne faisaient point d’effet, mais une heure après, on avait oublié leur nudité et leur monotonie pour ne sentir que leur plénitude et leur justesse. Visiblement il ne parlait que pour remplir un devoir de société ; son plus grand plaisir était d’entendre causer les autres. Nous n’avions que très-peu d’idées communes, mais notre méthode de raisonnement était la même ; cela suffit pour rendre la discussion agréable. D’ailleurs il souffrait la contradiction et se livrait volontiers à la critique, jusqu’à la pratiquer de ses propres mains sur lui-même, démontant les rouages intérieurs de son esprit et de son caractère pour expliquer ses actions, ses opinions,