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taphysiques sont tombés, et il n’est plus resté que des portions, des combinaisons ou des rapports de faits.

Ce premier pas en amène un autre ; l’analyse des mots conduit à l’analyse des choses ; la traduction exacte pousse à la traduction complète. Nous imitons les algébristes : après avoir transformé le problème en équation précise, nous traduisons par des quantités connues les inconnues de l’équation.

« L’animal digère. » Rien de plus clair que cette phrase ; nous la traduisons à l’instant par un fait : j’ai vu le pain et la viande qu’il avalait ; une heure après, ouvrant son estomac, j’ai trouvé une bouillie acide : ce changement est la digestion. Mais remarquez qu’il est entouré et précédé d’une longue suite d’inconnues. Par quels états intermédiaires l’aliment a-t-il passé ? Quelles positions dans l’estomac a-t-il tour à tour occupées ? Quels mouvements ont causé et varié ces positions ? Quelle substance l’a transformé ? Par quels éléments divers ? Quelle est la proportion de ces éléments ? D’où venait-elle ? Comment s’est-elle formée ? Comment s’est-elle appliquée sur lui ? Quelle espèce de transformation y a-t-elle produite ? Vous voyez que ma traduction n’était pas complète ; mon expression indiquait un fait, mais non les parties de ce fait ; elle désignait un passage ou