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folio du moyen âge, où nous espérons qu’elle restera. Et cependant, sans le savoir, il l’acceptait à demi. Il flottait entre les analyses d’Aristote et les souvenirs du catéchisme. Il commençait en philosophe et finissait en théologien. Il errait entre deux sens qui s’excluent, et donnait à des prémisses païennes une conclusion chrétienne. Il ne les distinguait pas, et les employait indifféremment comme s’ils n’en faisaient qu’un. Il considérait d’abord la destinée, en naturaliste, comme un fait, simple produit de l’organisation et des tendances ; il la considérait ensuite, en fidèle, comme un but et un décret de Dieu. Il y voyait d’abord une œuvre des forces naturelles ; il y voyait ensuite l’accomplissement d’une volonté surnaturelle. Il oubliait que les axiomes du naturaliste ne peuvent aboutir aux suppositions du théologien, ni les suppositions du théologien se fonder sur les axiomes du naturaliste. Il ne remarquait pas que les suppositions du théologien se fondent sur un dogme théologique, reculé au plus profond du ciel, hors des prises de toute science, incapable de produire une morale naturelle, capable de produire une religion positive, et qu’il eût repoussé s’il l’eût entrevu. Il ne remarquait pas que les axiomes du naturaliste aboutissent à des vérités redoutables qu’on n’ose aborder tant qu’on garde les restes de ses premières croyances, et qui l’auraient déchiré