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était de la diviser en plusieurs recherches. Puis il examinait comment celles-ci dépendent les unes des autres, laquelle est supposée par les autres et n’en suppose aucune autre. Ayant marqué leur ordre, il montrait leurs subdivisions, puis les questions que chacune d’elles engendre, puis les réponses qu’on y a faites, puis les conséquences de ces réponses. Cela faisait une sorte de « carte et de plan de campagne[1] » très-détaillé, très-compliqué, sur lequel il retenait bon gré mal gré les auditeurs. Il ne quittait leur main qu’après les avoir orientés dans ce labyrinthe, munis de classifications, de définitions, d’explications, éclairés sur la route à suivre, mis en état de guider leur guide, remplis de défiance pour eux-mêmes, d’espoir en la vérité et de confiance en la méthode. Alors seulement il se mettait en marche, aussi attentif dans le voyage que pendant les préparatifs. Ses raisonnements font plaisir à voir, tant le réseau en est serré, solide, soigneusement disposé pour ne laisser aucune issue à la vérité fuyante. On le juge aussi soigneux dans ses fautes que dans ses réussites ; lorsqu’il se trompe, il est exempt de reproche ; il a employé toute sa force ; ce sont les circonstances ou quelque invincible illusion philosophique qui l’ont perdu. Je ne connais guère de lecture

  1. Préface du Cours d’esthétique, p. 8. — Cours de droit naturel, première leçon. — De l’organisation des sciences philosophiques.