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NAPOLÉON BONAPARTE


« d’un principe » quel qu’il soit, intérêt social ou justice. « La justice ne se fait pas ; cent trente assassinats ont été commis depuis deux ans… L’institution des jurés a ôté tout moyen de punir les crimes ; jamais les preuves les plus fortes, l’évidence même, ne détermineront un jury, composé d’hommes du même parti ou de la même famille que l’accusé, à prononcer contre lui » ; et, si l’accusé est du parti contraire, les jurés l’acquittent aussi, pour ne pas encourir des vengeances, « tardives peut-être, mais toujours certaines ». — « L’esprit public est inconnu » ; point de corps social, mais « une foule de petits partis, ennemis les uns des autres… On n’est point Corse sans être d’une famille, et par conséquent attaché à un parti ; celui qui n’en voudrait servir aucun serait détesté de tous… Les chefs ont tous le même but, celui de se procurer de l’argent, quels que soient les moyens, et leur première attention est de s’entourer de créatures entièrement à leur disposition et de leur donner toutes les places… Les élections se font toutes en armes, et toujours avec violence… Le parti triomphant use de son autorité pour se venger de celui qui l’a combattu, et multiplie les vexations, les injustices… Les chefs forment entre eux des ligues aristocratiques…, et se tolèrent tous les abus. Ils n’exercent ni répartitions ni recouvrements (d’impôts), par ménagement des

    270 — (Dépêche du représentant Lacombe-Saint-Michel, 10 septembre 1793). — Miot de Melito, I, 131 et pages suivantes (Il est commissaire pacificateur en Corse, en 1797 et 1801).