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NAPOLÉON BONAPARTE


« des vers, Apollon, les Muses, etc. » Mais, si vous admettez le divorce pour incompatibilité de caractères, vous ébranlez le mariage ; au moment de le contracter, on le sentira fragile. « Ce sera comme si l’on disait : Je me marie jusqu’à ce que je change d’humeur. » Ne prodiguez pas non plus les cas de nullité ; le mariage fait, il est grave de le défaire : « Je crois épouser ma cousine qui arrive des Grandes-Indes, et l’on me fait épouser une aventurière ; j’en ai des enfants, je découvre qu’elle n’est pas ma cousine : le mariage est-il bon ? La morale publique ne veut-elle pas qu’il soit valable ? Il y a eu échange d’âme, de transpiration. » — Sur le droit des enfants, mêmes majeurs, à des aliments : « Voulez-vous qu’un père puisse chasser de sa maison une fille de quinze ans ! Un père qui aurait soixante mille francs de rente pourrait donc dire à son fils : Tu es gros et gras, va labourer ? Un père riche ou aisé doit toujours à ses enfants la gamelle paternelle » ; retranchez ce droit aux aliments, et « vous forcerez les enfants à tuer leurs pères ». — Quant à l’adoption, « vous l’envisagez en faiseurs de lois, non en hommes d’État. Elle n’est pas un contrat civil ni un acte judiciaire. L’analyse (du juriste) conduit aux résultats les plus vicieux. On ne peut gouverner l’homme que par l’imagination ; sans l’imagination, c’est une brute. Ce n’est pas pour cinq sous par jour, pour une chétive distinction qu’on se fait tuer ; c’est en parlant à l’âme qu’on électrise l’homme. Ce n’est pas un notaire qui produira cet effet pour douze francs