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LE RÉGIME MODERNE


libre choix des citoyens, en fait, par la volonté de l’armée ; nul abri contre un édit arbitraire du prince, sinon un rescrit non moins arbitraire du prince ; son successeur désigné, adopté et préparé par lui ; un Sénat pour la parade, un Conseil d’État pour les affaires ; tous les pouvoirs locaux conférés d’en haut ; les cités en tutelle ; tous les sujets qualifiés du beau titre de citoyens ; tous les citoyens réduits à l’humble condition de contribuables et d’administrés ; une administration aux cent mille bras, qui se charge de tous les services, y compris l’enseignement public, l’assistance publique et l’alimentation publique, y compris les cultes, d’abord les cultes païens, ensuite, après Constantin, le culte chrétien ; tous ces services classés, étagés, coordonnés, soigneusement définis de manière à ne pas empiéter l’un sur l’autre, soigneusement reliés de manière à se compléter l’un par l’autre ; une immense hiérarchie de fonctionnaires mobiles, appliquée d’en haut sur 180 000 lieues carrées ; trente peuples de race et langues différentes, Syriens, Égyptiens, Numides, Espagnols, Gaulois, Bretons, Germains, Grecs, Italiens, soumis au même régime uniforme ; le territoire découpé comme un damier, par les procédés de l’arithmétique et de la géométrie, en cent ou cent vingt petites provinces ; les anciennes nations ou États démembrés et dépecés de parti pris, afin de briser à perpétuité les groupes naturels, spontanés et viables ; un cadastre minutieux, vérifié et renouvelé tous les quinze ans, pour répartir correctement l’impôt foncier ; une langue officielle et universelle ; un culte d’État,