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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


qué en plus grand[1] ; il était de foi pour les jacobins, et, en outre, conforme à l’esprit du droit impérial romain, conforme à la principale maxime du droit monarchique français. Sur ce point, les trois jurisprudences connues étaient d’accord, et leur convergence réunissait autour de la même table, pour une commune besogne, les légistes des trois doctrines, les ci-devant parlementaires et les ci-devant membres du Comité de Salut public, les anciens proscripteurs et les anciens proscrits[2], les pourvoyeurs de Sinnamari et les revenants de la Guyane, Treilhard et Merlin de Douai, à côté de Siméon, Portalis et Barbé-Marbois. Personne, dans ce conclave, pour soutenir le droit des corps spontanés : des trois côtés, la théorie, quelle que fût sa provenance, refusait de les reconnaître pour ce qu’ils sont originellement et par essence, c’est-à-dire pour des organes distincts, aussi naturels que l’État, aussi indispensables dans leur genre, partant aussi légitimes que lui ; elle ne leur laissait qu’un être d’emprunt, dérivé d’en haut et du centre. Mais, puisque l’État les créait, il pouvait et devait les traiter en créatures, garder indéfiniment sa main sur eux, les employer à ses desseins, agir par eux comme par ses autres agents, et transformer leurs chefs en factionnaires du pouvoir central.

  1. la Révolution, tome V, 150 ; tome VII, 130 à 134.
  2. Mes souvenirs sur Napoléon. 232, par le comte Chaptal : « Bonaparte avait mis Merlin (de Douai) et Muraire à la tête de la Cour de Cassation ; le premier avait fait déporter le second au 18 Fructidor. »