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LE RÉGIME MODERNE


rels, son zèle actif et l’assistance de son bras séculier. De là, dans le droit appliqué, tant de privilèges pour les nobles et pour l’Église, tant d’immunités et même de libertés, tant de restes de l’antique indépendance locale et même de l’antique souveraineté locale[1], tant de prérogatives, honorifiques ou utiles, maintenues par la loi et par les tribunaux. De ce côté, les mailles du lacs monarchique n’avaient pas été nouées, ou demeuraient lâches ; de même ailleurs, avec des vides plus ou moins larges, dans les cinq pays d’États, dans les districts des Pyrénées, en Alsace, à Strasbourg, mais surtout en Languedoc et en Bretagne, où le pacte d’incorporation, par une sorte de contrat bilatéral, associait sur le même parchemin et sous le même sceau les franchises de la province et la souveraineté du roi. — À ces lacunes originelles, ajoutez les trous que le prince avait pratiqués lui-même dans son filet déjà tissé : de sa propre main, il y avait rompu des mailles, et par milliers. Dépensier à outrance et toujours besogneux, il avait fait argent de tout, même de ses droits, et, dans l’ordre militaire, dans l’ordre civil, dans le commerce et l’industrie, dans l’administration, la judicature et les finances, d’un bout à l’autre du territoire, il avait vendu d’innombrables offices, charges, dignités, honneurs, monopoles, exemptions, survivances, expectatives, bref des

  1. L’Ancien Régime, tome I, 25 et suivantes. — Correspondance de Mirabeau et du comte de la Marck, II, 74 (Note de Mirabeau. 3 juillet 1790) : « Avant la révolution actuelle, l’autorité royale était incomplète : le roi était forcé de ménager sa noblesse, de composer avec les parlements, de combler la cour de faveurs. »