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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


ment on le croyait autorisé d’en haut comme les autres monarques, mais, depuis Louis le Gros et surtout depuis saint Louis, il apparaissait comme le délégué d’en haut, investi d’un sacerdoce laïque, revêtu d’un caractère moral, ministre de l’éternelle justice, redresseur des torts, protecteur des faibles, bienfaiteur des petits, bref comme « le roi très chrétien ». Enfin, dès le XIIIe siècle, la découverte récente et l’étude assidue des codes de Justinien avaient montré en lui le successeur des Césars de Rome et des empereurs de Constantinople. Selon ces codes, le peuple en corps avait transféré ses droits au prince ; or, dans les cités antiques, la communauté avait tous les droits, et l’individu n’en avait aucun[1] ; ainsi, par ce transfert, tous les droits, publics ou privés, passaient aux mains du prince ; désormais il en disposait à son gré, sans restriction ni contrôle. Il était au-dessus de la loi, puisqu’il la faisait[2] ; ses pouvoirs étaient illimités, et son arbitraire absolu.

Sur ce triple canevas, à partir de Philippe le Bel, les légistes, comme des araignées d’État, avaient ourdi leur

    rois et les prêtres sont les seuls qui, par l’institution ecclésiastique, soient consacrés par fonction des saintes huiles. »

  1. La Révolution, tome VII, 148.
  2. Janssen, l’Allemagne à la fin du moyen âge (traduction française), I, 457. (Sur l’introduction du droit romain en Allemagne.) — Déclaration des légistes à la diète de Roncaglia : « Quod principi placuit, legis habet vigorem. » — Édit de Frédéric Ier, 1165 : Vestigia prædecessorum suorum, divorum imperatorum, magni Constantini scilicet et Justiniani et Valentini,… sacras eorum leges,… divina oracula… Quodcumque imperator constituerit, vel cognoscens decreverit, vel edicto præceperit, legem esse constat. » — Frédéric II : « Princeps legibus solutus est. » — Louis de Bavière : « Nos qui sumus supra jus. »