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LE RÉGIME MODERNE


travers un pêle-mêle de disparates, d’incohérences, d’italianismes, de barbarismes[1], et trébuche, sans doute par maladresse, par inexpérience, mais aussi par excès d’ardeur et de fougue : la pensée, surchargée de passion, saccadée, éruptive, indique la profondeur et la température de sa source. Déjà à l’École, le professeur

    principalement par le spectacle du fort de la vertu que les Lacédémoniens sentaient… Pour conduire les hommes au bonheur, faut-il donc qu’ils soient heureux en moyens ?… Mes titres (à la propriété) se renouvellent avec ma transpiration, circulent avec mon sang, sont écrits sur mes nerfs, dans mon cœur… Vous direz au riche : Tes richesses font ton malheur, rentre dans la latitude de tes sens… Qu’à votre voix les ennemis de la nature se taisent et avalent de rage leurs langues de serpent !… L’infortuné a fui la société des hommes ; le drap noir a remplacé la tapisserie de la gaîté… Voilà, Messieurs, sous le rapport animal, les sentiments qu’il faut inculquer aux hommes pour le bonheur. »

  1. Yung, I, 252 (Lettre à Buttafuoco) : « Tout dégouttant du sang de ses frères, souillé par des crimes de toute espèce, il se présente avec confiance sous une veste de général, unique récompense de ses forfaits. » I, 192 (Lettre à l’intendant de Corse, 2 avril 1789) : « Cela fait de cultivation qui nous ruine », etc. — Pour les fautes innombrables et grossières de français, voir les diverses lettres manuscrites copiées par Yung. — Miot de Melito, I, 84 (juillet 1796) : « Son parler était bref et, en ce temps, très incorrect. » — Mme de Rémusat, I, 104 : « Quelle que fût la langue qu’il parlât, elle paraissait toujours ne pas lui être familière ; il semblait avoir besoin de la forcer pour exprimer sa pensée. » — Mes souvenirs sur Napoléon, 225, par le comte Chaptal, conseiller d’État, puis ministre de l’intérieur sous le Consulat : « À cette époque, Bonaparte ne rougissait pas du peu de connaissance qu’il avait du détail de l’administration ; il questionnait beaucoup, il demandait la définition et le sens des mots les plus usités. Comme il lui est arrivé souvent d’entendre mal les mots qu’on prononçait devant lui pour la première fois, il les a reproduits constamment par la suite tels qu’il les a entendus ; ainsi il disait habituellement section pour session, armistice pour amnistie, îles Philippiques pour îles Philippines, point fulminant pour point culminant, rentes voyagères pour rentes viagères, etc. »