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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


stitutions et du droit d’aînesse, c’est-à-dire à une contrainte sociale, qui, inventée jadis dans leur intérêt privé et dans l’intérêt public, pour assurer chez elles la transmission du patronage local et du pouvoir politique, devenait inutile et corruptrice, féconde en mauvaises vanités[1], en vilains calculs, en tyrannies domestiques, en vocations forcées, en froissements intimes, depuis que les nobles, devenus gens de cour, avaient perdu le pouvoir politique et renoncé au patronage local.

Ainsi privés ou détournés de leur emploi, les corps étaient devenus méconnaissables sous la croûte d’abus qui les défigurait ; personne, sauf un Montesquieu, ne comprenait leur raison d’être. Aux approches de la Révolution, ils semblaient, non des organes, mais des excroissances, des difformités, et, pour ainsi dire, des monstres vieillots. On n’apercevait plus leurs racines historiques et naturelles, leurs germes profonds, encore vivants et indéfiniment vivaces, leur nécessité sociale, leur utilité foncière, leur usage possible. On ne sentait que leur incommodité présente ; on souffrait de leurs frottements et de leur poids ; on était choqué de leur incohérence et de leurs disparates ; on imputait à leur essence les inconvénients de leur dégénérescence ; on les jugeait malsains par nature, et on les condamnait en principe, au nom des déviations et des arrêts que la puissance publique avait imposés à leur développement.

Subitement, la puissance publique, qui avait fait le

  1. Cf. Frédéric Masson, le Marquis de Grignan, 1 vol.


  le régime moderne, i.
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