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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


théories ; ils y importent leurs passions ; ils y déforment quelque pièce ou rouage essentiel ; ils en faussent le jeu, ils en détraquent le mécanisme ; ils font d’elle un engin fiscal, électoral ou doctrinal, un instrument de règne ou de secte. — Tel, au XVIIIe siècle, l’état-major ecclésiastique que l’on connaît[1], évêques de cour, abbés de salon, appliqués d’en haut sur leur diocèse ou sur leur abbaye, non résidents, préposés à un ministère qu’ils n’exercent pas, largement rentés pour être oisifs, parasites de l’Église, outre cela, mondains, galants, souvent incrédules, étranges conducteurs d’un clergé chrétien, et qu’on dirait choisis exprès pour ébranler la foi catholique chez leurs ouailles et la discipline monastique dans leurs couvents. — Tel, en 1791[2], le nouveau clergé constitutionnel, intrus, schismatique, superposé à la majorité orthodoxe, pour lui dire une messe qu’elle juge sacrilège, et pour lui administrer des sacrements dont elle ne veut pas.

En dernier lieu, même quand les gouvernants ne subordonnent pas les intérêts de l’institution à leurs passions, à leurs théories, à leurs intérêts propres, même quand ils évitent de la mutiler et de la dénaturer, même quand ils remplissent loyalement et de leur mieux le mandat surérogatoire qu’ils se sont adjugé, infailliblement ils le remplissent mal, plus mal que les corps spontanés et spéciaux auxquels ils se substituent ; car la

  1. L’Ancien Régime, tome I, 99 à 101, 117, 118, 185 à 188. tome II, 141 à 143.
  2. La Révolution, tome III, 275 et suivantes.