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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


corporations et des compagnies de toute espèce et grandeur, temporaires ou permanentes, volontaires ou involontaires, c’est-à-dire une multitude d’engins sociaux construits avec des personnes humaines, qui, par intérêt personnel, contrainte et habitude, ou par inclination, conscience et générosité, coopèrent, d’après un statut exprimé ou tacite, pour effectuer, dans l’ordre matériel ou spirituel, telle ou telle œuvre déterminée : en France, aujourd’hui, nous comptons, outre l’État, quatre-vingt-six départements, trente-six mille communes, quatre églises, quarante mille paroisses, sept ou huit millions de familles, des millions d’ateliers agricoles, industriels ou commerciaux, des instituts de science et d’art par centaines, des établissements de charité et d’éducation par milliers, des sociétés de bienfaisance, de secours mutuels, d’affaires ou de plaisirs par centaines de mille, bref d’innombrables associations de toute espèce, dont chacune a son objet propre, et, comme un outil ou un organe, exécute un travail distinct.

Or, en cette qualité d’outil ou d’organe, elle est soumise à la loi commune : plus elle excelle dans un rôle, plus elle est médiocre ou mauvaise dans les autres rôles ; sa compétence spéciale fait son incompétence générale. C’est pourquoi, chez un peuple civilisé, aucune d’elles ne peut bien suppléer aucune des autres. « Très probablement, une académie de peinture qui serait aussi une banque exposerait de très mauvais tableaux et escompterait de très mauvais billets. Selon toute vraisemblance, une compagnie de gaz qui serait en même


  le régime moderne, i.
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