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LE RÉGIME MODERNE


d’une restauration monarchique et catholique, elle lui demandera de faire un 18 Fructidor ; sinon, quelque général jacobin, Jourdan, Bernadotte, Augereau, en fera un sans lui, contre lui, et l’on rentre dans l’ornière d’où l’on voulait sortir, dans le cercle fatal des révolutions et des coups d’État.

VII

Siéyès a compris cela : il aperçoit à l’horizon les deux spectres qui, depuis dix ans, ont hanté tous les gouvernements de la France, l’anarchie légale et le despotisme instable ; pour conjurer ces deux revenants, il a trouvé une formule magique : désormais « le pouvoir viendra d’en haut et la confiance d’en bas[1] ». — En conséquence, le nouvel acte constitutionnel retire à la nation le droit de nommer ses députés ; elle ne nommera plus que des candidats à la députation, et par trois degrés d’élection superposés ; ainsi, elle n’interviendra dans le choix de ses représentants que par « une participation

    de Desaix. Le général Lecourbe était aussi de la conspiration. » — Mes souvenirs sur Napoléon, 250, par le comte Chaptal. (Paroles de Napoléon, 23 février 1808) : « À peine assis, j’ai vu les prétentions se reformer ; Moreau, Bernadotte, Masséna ne me pardonnaient pas mes succès… Ils ont essayé plusieurs fois de me culbuter ou de partager avec moi… Douze généraux ourdirent un plan pour diviser la France en provinces, en me laissant généreusement Paris et la banlieue ; le traité fut signé à Ruelle ; Masséna fut nommé pour me l’apporter. Il refusa, en disant qu’il ne sortirait des Tuileries que pour être fusillé par ma garde : celui-là me connaissait bien. »

  1. Extrait des Mémoires de Boulay de la Meurthe, 10.