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LE RÉGIME MODERNE


Dans plus de trente autres départements, il y avait ainsi des Vendées intermittentes et disséminées. Dans tous les départements catholiques, il y avait une Vendée latente. En cet état d’exaspération, il est probable que, si les élections avaient été libres, la moitié de la France eût voté pour des hommes de l’ancien régime, catholiques, royalistes, ou tout au moins monarchiens de 1790. — En face de ces élus, imaginez, dans la même salle et en nombre à peu près égal, les élus de l’autre parti, les seuls qu’il pût choisir, ses notables, je veux dire les survivants des assemblées précédentes, probablement des constitutionnels de l’an IV et de l’an V, des conventionnels de la Plaine et des feuillants de 1792, depuis La Fayette et Dumolard jusqu’à Daunou, Thibaudeau et Grégoire, parmi eux des girondins et quelques montagnards, entre autres Barère[1], tous entichés de la

    dor an VII) : « Si je promène mes regards sur nos communes, je les vois presque toutes administrées par des municipaux royalistes ou fanatiques ; c’est l’esprit général des paysans… L’esprit public est tellement perverti, tellement opposé au régime constitutionnel, que ce n’est que par une espèce de miracle qu’on pourra le ramener au giron de la liberté. » — Ib., F7, 3199. (Documents analogues sur le département des Bouches-du-Rhône.) Les attentats s’y prolongent jusque très avant sous le Consulat, malgré la rigueur et la multitude des exécutions militaires. — (Lettre du sous-préfet de Tarascon, 15 germinal an IX) : « Dans la commune d’Eyragues, hier, à huit heures, une troupe de brigands masqués ayant cerné la maison du maire, quelques-uns sont entrés chez ce fonctionnaire public et l’ont fusillé, sans qu’on ait osé lui donner aucun secours,… Les trois quarts des habitants sont royalistes à Eyragues. » — Dans la série F7, nos 7152 et suivants, on trouvera l’énumération des délits politiques classés par département et par mois, notamment pour messidor an VII.

  1. Barère, représentant des Hautes-Pyrénées, avait conservé