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LE RÉGIME MODERNE


délivrer Masséna assiégé dans Gênes, empêcher Mélas d’envahir la Provence, porter l’armée de Moreau au delà du Rhin, on devait au préalable restituer au pouvoir central la nomination des pouvoirs locaux.

V

Sur le second point, l’évidence n’était guère moindre. — Et d’abord, du moment que les pouvoirs locaux étaient nommés par les pouvoirs du centre, il était clair qu’au centre le pouvoir exécutif dont ils dépendaient devait être unique. À ce grand attelage de fonctionnaires conduits d’en haut, on ne pouvait donner en haut plusieurs conducteurs distincts ; étant plusieurs et distincts, les conducteurs auraient tiré chacun de son côté, et les chevaux, tiraillés en divers sens, auraient piétiné sur place. À cet égard, les combinaisons de Siéyès ne supportaient pas l’examen ; théoricien pur et chargé de faire le plan de la Constitution nouvelle, il avait raisonné comme si les cochers qu’il mettait sur le siège étaient, non des hommes, mais des automates : au sommet, un grand électeur, souverain de parade, ne disposant que de deux places, éternellement inactif, sauf pour nommer ou révoquer les deux souverains actifs, deux consuls gouvernants : l’un de ceux-ci, consul de la paix et nommant à tous les emplois civils ; l’autre, consul de la guerre et nommant à tous les emplois militaires et diplomatiques ; chacun des deux ayant ses ministres, son Conseil d’État, sa chambre de justice administra-